En vert et contre tout !

MARDI 29 AVRIL – ASSEMBLEE NATIONALE – 8h30

Connaissant nos amitiés au sein du groupe écologiste de l’Assemblée Nationale, notre vénéré Président nous demande de leur rendre une petite visite avant le vote sur le Programme de Stabilité Budgétaire qui doit être présenté aujourd’hui par Manuel Valls. Par notre intermédiaire, il souhaite leur faire une offre « qu’ils ne pourront pas refuser ». « Vous avez carte blanche ! » ajoute-t-il. Nous rechignons. Les Verts sont de sacrés joyeux lurons, c’est entendu, mais enfin nous avions prévu d’aller au cinéma. François Hollande insiste. Il nous promet une récompense à hauteur de la tâche : des entrées gratos pour le zoo de Vincennes, pour nous et toute notre famille ! Bon sang, ça représente une petite fortune ! Nous n’hésitons plus.

Nous voici donc à 8h30 dans les locaux du groupe écologiste, à l’Assemblée Nationale. Ça sent le bouc. Discrètement, Antilogus va ouvrir une fenêtre.

- Bon, dites voir, les copains, vous allez voter pour le Pacte de Stabilité, c’t’aprem’ ?

- Plutôt crever ! assène Cécile Duflot.

- Que mille lotus germent dans le ventre des pourceaux indignes qui cautionneront cette infamie, ajoute Jean-Vincent Placé, avec son terrible regard de Bouddha chevelu.

- Vous parlez de quoi ? demande Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV, qui vient d’arriver.

- Trop tard ! s’écrie Festjens. Il fallait être à l’heure, madame Cosse. Trop tard !

- Madame Cosse-tard ! renchérit Antilogus. Ha, ha !

Nous rions de bon cœur. Nous sommes les seuls. Ça commence mal. Autant passer directement aux cadeaux.

- Bon, les enfants, parlons peu, parlons bien. Si vous votez pour le Pacte, cet après-midi, le Président est prêt  faire un geste pour chacun d’entre vous.

- Comment ? s’écrie Barbara Pompili, la charmante députée de la Somme.

- Ha, ha, petite impatiente ! glousse Antilogus. Vous inquiétez pas, y en a pour tout le monde !

Sous le regard médusé des Verts, nous ouvrons nos cartables et saisissons nos calepins.

- Alors, pour commencer, monsieur le sénateur de l’Essonne ! 

- Je ne suis ici qu’en tant qu’observateur, objecte Jean-Vincent Placé. Et je tiens à…

- Ta, ta, ta ! le coupe Antilogus. Pas de chichis entre nous, JV ! Alors : si les Verts votent comme il faut, le Président annule toutes tes amendes impayées ! 18.000 balles d’un coup ! Qu’est-ce que tu dis de ça ? Ça te la coupe, pas vrai ?

- C’est un scandale ! s’étouffe le Vert sénateur.

Ah, mince, nous ne nous attendions pas à cette réaction. Aurions-nous commis une boulette ? Il faut vite rattraper le coup.

- Bon, bon, on verra ça plus tard, entre nous, glisse Festjens, avec un clin d’œil complice à l’intention de notre ami. Vous inquiétez pas, on vous dit, y en a pour tout le monde… Tiens, pour Laurence Abeille, députée du Val-de-Marne, un gros pot de miel ! Pour Danielle Auroi, du Puy-de-Dôme, une galette ! Pour François de Rugy, de Loire-Atlantique, une pommade contre les rougeurs !

Nous ne parvenons pas à finir. Très remontés, les écolos nous jettent dehors. A 13h20, Barbara Pompili annonce au nom du groupe qu’ils voteront contre le Programme de Stabilité « à une très grande majorité ». 

A 20h38, nous connaissons le détail du vote : le texte est adopté. Sur les 17 députés Verts, 5 se sont abstenus ou ont voté pour. Ainsi, nos arguments semblent avoir porté, malgré tout ! C’est une demi-victoire, mais une victoire quand même. Le Président peut être content de nous. Demain, nous irons chercher nos places pour le zoo de Vincennes à l’Elysée.